Effet de surprise des mesures d’instruction in futurum : validité de la requête 145 ?

par | Avr 22, 2024 | Droit Civil | 0 commentaires

L’effet de surprise des mesures d’instruction in futurum : une condition de validité de la requête 145 ?

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Peut-on demander une mesure 145 si la personne concernée est déjà au courant des accusations portées contre elle par le demandeur? En d’autres termes, l’absence d’effet de surprise de la mesure non contradictoire 145 est-elle un obstacle à sa validité ?

Si une partie souhaite recueillir des preuves en vertu de l’article 145 du Code de procédure civile, elle doit généralement suivre la procédure de référé en respectant le principe du contradictoire.

Cependant, selon l’article 493 du Code de procédure civile, ces mesures peuvent être ordonnées sur requête lorsque les circonstances exigent une dérogation à ce principe.

C’est généralement le cas lorsque les saisies concernent des documents numériques sans existence légale (courriels, documents de travail, etc.) qui présentent un risque élevé de destruction ou de dissimulation.

En effet, pour contrer ce risque, les juges tendent souvent à autoriser les mesures sur simple requête.

Mais qu’en est-il lorsque la personne concernée est déjà au courant des accusations portées contre elle par le demandeur et de son intention de défendre ses droits en justice ?

La question mérite d’être posée car dans une telle situation, la personne concernée a peut-être déjà dissimulé ou détruit les preuves qui auraient pu être saisies, anticipant une éventuelle mesure 145 du demandeur à son encontre.

Les juges pourraient donc estimer qu’il n’est pas nécessaire de déroger au principe du contradictoire pour pallier un risque déjà existant et décider de ne pas accéder à la requête ou de rétracter l’ordonnance sur requête ayant autorisé les saisies.

À l’heure actuelle, la jurisprudence ne semble pas donner de réponse claire à cette question.

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Selon une première série de décisions, l’absence d’effet de surprise de la mesure de saisie pourrait entraver sa validité.

Dans un arrêt du 14 janvier 2021, la Cour de cassation a ainsi estimé qu’il n’était pas justifié de déroger au principe du contradictoire en l’absence d’effet de surprise de la mesure 145, dans la mesure où la personne concernée avait déjà été parfaitement informée des accusations portées contre elle par le demandeur et de son intention de saisir la justice en cas de problème.

Dans la même veine, une autre décision rendue quelques mois plus tard par la cour d’appel de Lyon semble confirmer que l’effet de surprise est bien une condition de validité de la requête 145.

Dans ce cas, avant les mesures de saisie, le demandeur avait demandé à la personne concernée de lui fournir certains documents nécessaires pour recueillir des preuves en vue d’une éventuelle action en justice.

Comme la Cour de cassation dans son arrêt de 2021, la cour d’appel de Lyon a estimé que, compte tenu de cette demande de communication, l’effet de surprise n’était plus établi et a rétracté l’ordonnance de saisie sur ce fondement.

Plus récemment encore, la Cour de cassation a confirmé cette approche dans un arrêt du 18 janvier 2024, où elle casse un arrêt d’appel qui n’avait pas vérifié si la « nécessité de préserver un effet de surprise pour éviter le dépérissement des preuves était établie lors du dépôt de la requête ».

À la lumière de ces décisions, l’effet de surprise semble donc être une véritable condition autonome de validité de la requête 145.

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Cependant, d’autres décisions tout aussi importantes invitent à tempérer cette affirmation.

Par exemple, dans un arrêt du 25 mars 2021, la haute juridiction a estimé que, indépendamment de l’absence d’un éventuel effet de surprise, la mesure 145 sur requête était justifiée au seul motif qu’il existait un risque de dépérissement des éléments de preuve.

De la même manière, dans un second arrêt du 5 octobre 2023, la Cour de cassation a jugé que le fait pour la société concernée d’être au courant d’un risque de procès contre elle n’était pas un élément suffisant pour rétracter une ordonnance obtenue de manière non contradictoire.

Là encore, la Cour de cassation a précisé que la seule caractérisation du risque de dépérissement des preuves justifie le caractère non contradictoire de la requête 145.

Au vu de tout cela, il apparaît clairement qu’il n’est toujours pas établi de manière certaine si l’effet de surprise constitue ou non une condition autonome de validité d’une requête 145.

Par conséquent, il est vivement recommandé, dans toute procédure où les demandeurs envisagent d’engager une procédure 145 sur requête, de conserver cet effet de surprise en évitant de menacer d’une action en justice avant les saisies, sous quelque forme que ce soit.

En d’autres termes, on pourrait considérer que si la mesure 145 non contradictoire doit nécessairement être mise en œuvre avant tout procès, elle doit également l’être avant d’informer la personne concernée des accusations que l’on compte porter contre elle en justice.

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Martin Plussin

Auteur

Martin, huissier et expert en procédures légales et passionné par le monde des huissiers, est le cerveau derrière les articles éclairants de notre blog. Avec son expérience et sa connaissance approfondie du domaine, il décompose les complexités juridiques pour les rendre accessibles à tous. Martin est constamment à l'affût des dernières actualités et tendances dans le secteur des huissiers, assurant que nos lecteurs reçoivent des informations à jour et fiables.

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