Poursuite d’exécution aux risques du créancier

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Il est fréquent que des conflits financiers non résolus mènent à des procédures judiciaires. Ces affaires peuvent s’étirer sur plusieurs années avant que le jugement définitif ne soit exécuté. Pendant ce temps, le créancier peut craindre que son débiteur ne transfère ou ne masque ses actifs pour éviter de régler sa dette. Le créancier a alors la possibilité de solliciter une saisie conservatoire provisoire. Mais que se passe-t-il si cette saisie est finalement annulée?

La Cour de cassation a rappelé, dans un arrêt du 17 septembre 2023, qu’une saisie conservatoire demandée par le créancier n’est pas sans risque pour celui-ci.

Explication de l’intérêt d’une saisie conservatoire

La saisie conservatoire est un outil de protection à la disposition du créancier qui redoute que son débiteur ne se déclare insolvable avant le jugement. En effet, pour échapper à ses obligations de paiement, le débiteur pourrait être tenté de vendre, donner ou détruire certains de ses biens.

Pour empêcher cela, le créancier peut faire appel à un huissier de justice pour effectuer une saisie conservatoire s’il dispose d’un titre exécutoire, d’une décision de justice qui n’a pas encore force exécutoire, d’un chèque impayé, d’un billet à ordre, d’une lettre de change acceptée ou d’un contrat de bail d’habitation écrit dans le cas où la dette impayée représente un ou plusieurs loyers impayés.

Si le créancier ne possède aucun de ces documents, il devra préalablement demander une saisie conservatoire auprès du juge de l’exécution.

Il est important de noter que la saisie conservatoire peut concerner les biens meubles du débiteur, bien que tous ne soient pas saisissables. Dans l’arrêt du 17 septembre 2023, la Cour de cassation a rappelé qu’un véhicule utilisé par le débiteur pour son activité professionnelle fait partie des biens insaisissables.

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Levée de la saisie après vente aux enchères: qu’advient-il des biens vendus?

Dans le cas présent, la Cour de cassation a noté que la saisie conservatoire sur le véhicule du débiteur a été annulée. Cependant, avant cette annulation, le véhicule du débiteur a été vendu aux enchères publiques. Le débiteur ne peut donc pas récupérer son véhicule. Or, ce véhicule était utilisé dans le cadre de l’activité professionnelle du débiteur. Par conséquent, le débiteur peut aisément prouver le préjudice qu’il a subi suite à la saisie de son véhicule, nécessaire à son activité professionnelle.

Le débiteur a donc demandé une indemnisation de ses préjudices résultant de la vente de son véhicule saisi.

Sa demande a été rejetée au motif que le créancier n’a pas commis de faute en demandant une saisie conservatoire qui a été exécutée avant d’être finalement annulée par le juge. Mais l’absence de faute du créancier suffit-elle à le dédouaner du préjudice subi par son débiteur suite à une saisie conservatoire provisoire qu’il a lui-même sollicitée? Vers qui le débiteur peut-il se tourner dans ce cas?

La réponse se trouve dans l’article L.110-10 du Code des procédures civiles d’exécution qui stipule que « L’exécution est poursuivie aux risques du créancier. Celui-ci rétablit le débiteur dans ses droits en nature ou par équivalent si le titre est ultérieurement modifié. ».

Toutefois, dans ce cas, la Cour d’appel a considéré que l’absence de faute du créancier concernant l’exécution de la saisie conservatoire excluait l’application de l’article L.110-10 du Code des procédures civiles d’exécution. La Cour de cassation a néanmoins annulé cet arrêt, et a clairement exprimé sa position sur cette question du prérequis de la faute du créancier pour indemniser le débiteur d’une saisie conservatoire ultérieurement annulée.

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Le créancier doit réparer le préjudice de la saisie sans faute de sa part

Dans cet arrêt, la Cour de cassation confirme que l’application des dispositions de l’article L. 110-10 du Code des procédures civiles d’exécution ne dépend pas de l’existence d’une faute du créancier.

En effet, dès lors que le créancier décide de mettre en œuvre une saisie conservatoire, qui est par nature une mesure provisoire, il doit en assumer les risques. Par conséquent, si la saisie conservatoire est finalement annulée, le créancier est tenu de réparer les conséquences dommageables.

Cet arrêt de la Cour de cassation rappelle donc à chaque créancier souhaitant demander l’exécution d’une saisie conservatoire qu’il doit assumer les risques liés à l’exécution de cette mesure provisoire.

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Martin Plussin

Auteur

Martin, huissier et expert en procédures légales et passionné par le monde des huissiers, est le cerveau derrière les articles éclairants de notre blog. Avec son expérience et sa connaissance approfondie du domaine, il décompose les complexités juridiques pour les rendre accessibles à tous. Martin est constamment à l'affût des dernières actualités et tendances dans le secteur des huissiers, assurant que nos lecteurs reçoivent des informations à jour et fiables.

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